Nuke, le logiciel de compositing indispensable ?
Depuis 2007, date de son rachat par The Foundry, Nuke est un logiciel de compositing haut de gamme qui effectue une percée importante sur le marché des post-productions exigeantes en termes de qualité et de flexibilité, en long-métrage et publicité. Auparavant outil développé en interne au sein du studio américain Digital Domain (« L’étrange histoire de Benjamin Button», « Titanic »), il est maintenant accessible au plus grand nombre, mettant à disposition des technologies inédites à ce niveau de prix.Sans grande concurrence depuis la fin du développement de Shake par Apple, l’absence de distribution multiplateforme de Fusion, l’élitisme des solutions Autdodesk et la relégation de Toxic au rang de produit complémentaire à Maya, Nuke poursuit un rythme très soutenu d’évolutions à chaque mise-à-jour, et ce depuis la version 5 (il fut racheté au moment de la version 4.7).
La tendance suivie par Nuke semble être l’indépendance de plus en plus importante par rapport aux logiciels tiers pour réaliser certaines tâches comme le tracking ou le rendu 3D, suivant ainsi l’évolution d’une partie du marché.
Nuke et Nuke X, logique nodale.
Nuke existe en deux versions, Nuke et NukeX, la seconde donnant accès à des fonctions plus évoluées comme le planar tracking, le 3D tracking, les particules 3D, des outils de suppressions du grain/bruit vidéo, une version allégée des plug-ins Furnace, les outils de modélisation et de génération de nuage de points et le support de Pixar Renderman Pro server.
Nuke fonctionne sur un mode « nodal » : dans la zone de travail on va former un arbre, chacune de ses branches constituant un élément de l’image finale. Sur chaque branche le premier nœud est celui qui permet d’importer un élément de l’image, les suivants permettant de modifié l’aspect de l’image (couleur, position, netteté), et enfin on utilise un nœud spécial (le « Merge ») pour joindre deux branches en une. Une fois que toutes les branches que l’on a créées sont jointes, l’image finale est prête à être sauvegardée sur le disque dur.
Ce principe de fonctionnement contraste avec l’approche plus classique du « calque » comme dans Photoshop, mais il permet de gérer des projets beaucoup plus lourds et complexes. On peut organiser son arbre de façon très logique pour facilement s’y retrouver ; et en visualisant le résultat à différentes positions dans l’arbre, on peut facilement détecter la source d’un problème. Nuke dispose d’une autre spécificité unique : lorsque l’on composite une image de synthèse, on récupère généralement une image déjà prête à être intégrée sur un fond d’image ; mais bien souvent, on souhaite modifier ce résultat brut et faire une sorte de développement (comme en labo photo) qui s’adaptera mieux au fond d’image servant de référence que l’on doit suivre. Pour faire ce développement, Nuke permet d’importer un seul fichier contenant toute les composantes de l’image, les reflets brillants d’une surface mais aussi ses parties plus mates et donc on va pouvoir régler séparément chaque zone de l’image, intensifier la lumière d’un côté plus que de l’autre ou modifier la texture d’un objet sans altérer la lumière qui l’éclaire.
Stéréoscopie, 3D et tracking à la fête.
C’est sur ces trois domaines qu’est mis actuellement l’accent sans oublier de faire évoluer au fur et à mesure des outils plus basiques.
On dispose donc de la boite à outils la plus complète actuellement disponible pour les effets spéciaux stéréoscopiques, beaucoup de studios de renommées mondiales ne s’y sont pas trompés et ont investi massivement sur Nuke. C’est ainsi que le logiciel participe à la création de tous les blockbusters récents en s3D (« Avatar », « Tintin », « Moi, Moche et Méchant »).
Nuke permet de gérer nativement et de façon très simple un flux stéréoscopique en traitant de façon parallèle les deux images et au besoin en ayant la possibilité de séparer les réglages entre les deux yeux.
Par ailleurs, le plug-in Ocula, développé par The Foundry et uniquement disponible pour Nuke, offre un traitement très poussé des défauts présents dans une image stéréoscopique (un cas loin d’être rare, presque tous les plans d’un film tourné en stéréo native doivent subir ce processus de recalibration). Les différences de couleurs et de géométrie sont ainsi corrigées entre les deux yeux, la dernière version 3 apportant également un traitement des différences de mise au point être les deux images.
Pour ce qui est de la partie 3D, Nuke propose une série d’outils uniques permettant l’import d’objets 3D de format .fbx (Autodesk), .obj(Wavefront), .rib (Pixar Renderman) et très bientôt l’Alembic, format open source créé par Sony Imagework (Spiderman) et Industrial Light and Magic (Star Wars).
La technique de mapping (application de texture sur un objet 3D) dite de « cam map » est une des plus puissantes du marché avec un nouvel outil nommé « Projection solver » qui permet de déterminer automatiquement le point de vue d’une image par rapport à une modélisation 3D de la scène photographiée.
On dispose aussi de toute une gamme d’outils pour l’éclairage et le rendu de ces scènes 3D, rendant Nuke de plus en plus un outil mélangeant les genres. A ce niveau le futur nous promet des workflows inédits, avec des plug-ins comme Atom Kraft de /* Jupiter Jazz*/, qui permet d’effectuer un rendu 3D avec le moteur 3Delight directement au sein de Nuke, avec une offre complète d’outils d’édition de matériaux, et l’accès à des rendus hyper réalistes.
La version 6.3 de Nuke apporte un système de particules 3D permettant la simulation de phénomènes naturels comme la neige, la fumée ou une explosion. On dispose d’une collection d’outils permettant de générer des positions dans l’espace 3D, auxquelles on accrochera plus tard des objets 3D, puis on peut affecter des forces (gravité, vent, collision) à ces points. Les géométries 3D peuvent elles-mêmes servir d’émetteur, par exemple si l’on veut créer un objet enflammé.
Le tracking n’est pas en reste depuis quelques mises à jour : on dispose de tout ce qui se fait de mieux en la matière. Le tracking par point classique – on donne une cible (petite zone dans l’image) et le logiciel suit son mouvement dans l’image.
Le tracking 3D offre un gain de productivité très important pour bon nombre de productions, permettant de recréer une caméra virtuelle 3D suivant très précisément le mouvement de la camera réelle ayant tourné le plan. Cela permet ensuite d’intégrer des objets 3D avec la bonne perspective ou de recréer complètement un plan en association cette technique au camera mapping. On utilise souvent le tracking 3D pour « nettoyer » un plan stéréoscopique – par exemple effacer un panneau publicitaire.
Dernier arrivé, le « planar tracking », est complémentaire des deux autres : il permet de tracker la surface plane d’un objet et d’en décrire les changements de perspective. On l’utilisera pour faire du nettoyage, ou pour ajouter des éléments dans l’image sur une surface ne se déformant pas de manière aléatoire comme un mur ou la carrosserie d’une voiture. Autre nouveauté, le support de la technologie OpenColorIO, développée par Sony Imagework pour la gestion de la couleur, ce qui donne accès à une bibliothèque très vaste de profils couleur adapté à chaque domaine : vfx, animation, pub… Le dernier avantage technologique de Nuke est son support du langage de programmation Python, qui permet l’extension des fonctionnalités du logiciel et son intégration dans un pipeline de production. En clair, chaque studio a sa façon de faire quant à l’import de séquence d’images, le rendu et la publication du travail en cours. Ce langage est un standard dans le domaine de la création graphique et il permet le dialogue entre Nuke et de nombreux logiciels tiers.
Disposant d’une avance technologique considérable, Nuke a pris une position dominante sur la plupart des marchés de post-production. La vigueur de ses nouveautés semble lui permettre de conserver cette place. On attend la réplique de la concurrence qui dispose çà et là de quelques beaux avantages. The Foundry qui auparavant n’avait que Nuke à chouchouter, développe désormais de nombreux produits, comme Mari (peinture 3D), Hiero (conforming) et Katana (éclairage et rendu 3D). On espère donc que va se poursuivre cette politique d’écoute des utilisateurs et d’innovation.
Lucien FOSTIER & James SIMON
NUKE & NUKE X
Editeur The Foundry
Distributeur Progiss
Plateformes Windows, MacOS X, Linux, 64 bits. Processeur Intel
Tarif
Nuke : 3525 Euros (licence de travail), 320 Euros (licence de rendu), 775 Euros (support)
Nuke X 5750 Euros et suport à 950 Euros