Producteur et bon connaisseur des technologies numériques DV et SD, j’ai produit récemment mon premier film en HD, un film institutionnel de prestige et de qualité. J’ai pu découvrir le monde émergent de la HD, ses belles promesses, et aussi ses lacunes…
Et d’abord, pourquoi tourner en HD, alors que les télévisions n’émettent pas en HD, et que nos clients n’ont évidemment pas de projecteurs et de lecteurs HD ?
Je cherchais un format de qualité, type Beta Numérique, mais sans trames, en mode « progressive scan », afin d’obtenir la meilleure diffusion par un DVD, d’une qualité comparable aux films commerciaux. Car un encodeur délivrera une bien meilleure compression à partir d’images non tramées. Autant le faire au tournage…
Ce mode progressive scan, bien connu de tous, à lire les dizaines d’articles qui en parlent… n’existe réellement que sur la caméra DV Panasonic DVX100, sur les caméras DVC PRO 50, ou bien en HD. Il n’était pas question de réaliser ce projet de qualité en DV, avec sa forte compression et son fou chromatique…
La quète fut difficile…
Le matériel DVC Pro 50 est très peu répandu en France : il a été impossible de louer une caméra dvc pro 50. Et ne parlons pas du Beta Numérique, qui ignore totalement le progressive scan. Dernière possibilité : les formats HD… Réunir l’ensemble du matériel deux semaines avant le tournage, durant l’été traditionnellement sportif, n’a pas été facile : caméras HDcam réservées depuis des lustres, ou bien revendues par VideoPlus… J’ai fini par trouver une caméra DVCPro HD (la Varicam), chez Tatou, pour un prix quasiment équivalent à une Beta Numérique…
On notera que les loueurs actuels sont globalement sous-équipés : les seules tournages TV HD sont demandés par les américains, les japonais,…, lesquels diffusent en HD, ou s’y préparent sérieusement en tournage dans un format durable. A part nos braves téléfilms, mais qui ne sont pas légion.
Disposant de la seule caméra disponible tournant en progressive scan, mais HD, je suis entré dans le monde encore un peu obscur de la HD…
L’ingénieur de la vision ?
Recommandé, fantasmé, cet homme nouveau, ce métier sorti de nulle part permet de gonfler les budgets et de gagner sa vie en n’étant ni un bon cadreur, ni un bon chef opérateur… On m’a bien conseillé de prendre un ingénieur de la vision, ou un assistant HD, afin de surpasser la configuration éreintante et complexe de la caméra, indispensable, pour chaque plan, vitale toutes les heures, avec ce monstre HD… J’ai même trouvé l’un de ces meilleurs assistantsHD/ingénieurs… d’une vision fumeuse, qui réclamait un salaire inconnu pour un assistant opérateur, et qui m’expliquait avoir mis 15 jours à lire le mode d’emploi de la Varicam… Si une telle caméra propose de nombreux réglages afin de peaufiner son rendu, TV ou cinéma, et exige de maîtriser les profils et options HD, cela ne justifie pas l’apparition de ces mauvais professionnels à demi illettrés…
N’ayant pas le budget pour engager une telle star, j’ai fait confiance à un assistant opérateur classique et à un « petit » jeune assez doué qui n’était pas complexé et a dompté le « monstre ».
Le steadicam que nous avions ne disposait pas d’entrée HD, ni même SDI. Il a donc fallu un convertisseur et un peu de gaffeur. Le moniteur HD externe, LCD, a été presque indispensable, pour contrôler l’image à distance.
Nous avons utilisé la varicam en 25P (25 images par seconde, en progressive scan), même si cette caméra filme tout à 60images par seconde…
Une postproduction de qualité ?
La postproduction a été l’occasion de travailler ce format et de mieux comprendre ses particularités.
Nous avons utilisé Final Cut Pro 4.5 (« HD »), en configuration HD classique, c’est-à-dire avec une carte HD (BlackMagic), un raid Xserve relié en fibre optique. La connexion se faisait en HD SDI, de manière non compressée, à 100Mo/s pour notre profil HD, le 1280×720. Il n’était pas possible de bénéficier de la liaison firewire proposée par FCP HD : le magnétoscope proposant ce firewire n’était pas dispo, et les codecs DVCPro HD n’étaient même pas complets pour l’exploitation en Europe… En liaison/numérisation non compressée, le travail fut assez lourd, mais la qualité préservée… oui, sauf que les formats HDCam et DVCPro HD sont fortement compressés sur leurs « petites » cassettes. Le DVCPro HD est ainsi un 422 débitant à 15Mo/s environ, très loin des 100Mo/s non compressés…
Résultat : fourmillements, mosaïques et agrégats de compression sur des zones complexes ou en ambiances sombres. J’ai été fâcheusement surpris et déçu par cette compression, nullement relayée par une presse aveugle… aveuglée par les fabricants qui veulent imposer leurs « nouvelles » machines.
Evidemment, en liaison firewire, cela coûterait moins cher et deviendrait une sorte de HD pas trop chère, pas trop mal, comme le DV. Et la qualité d’image est quand même très agréable, avec de bons réglages, une belle lumière, et des sujets qui s’y prêtent. La haute définition apporte au moins… une meilleure définition !
L’avenir sera donc de la liaison firewire et l’abaissement du coût de ces machines HD très compressées… et de l’autre côté du HD non compressé, en 422 ou 444, comme par exemple le HDCam SR.
Pour la visualisation externe, nous avons utilisé un moniteur informatique LCD de dernière génération, avec entrée DVI, relié à la carte HD par un convertisseur HD link : la qualité était légèrement supérieure à un moniteur HD cathodique, pour un prix 4 fois inférieur.
Final Cut Pro a très bien réagi, comme avec du DV ou du SD non compressé. After Effects également.
Et le diffusion ?
Pourquoi avoir postproduit en HD et non en SD ? pour apprendre à maîtriser la HD, préparer le futur, préserver la qualité… et aussi parce que nous avons découvert que notre client disposait d’un projecteur compatible avec notre profil HD (1280×720), relié à un ordinateur récent, capable d’afficher de la vidéo dans cette résolution, et surtout de lire des fichiers QuickTime dans cette résolution. Après avoir trouvé le codec approprié pour conserver la meilleure qualité possible (certainement pas du Sorenson ou du Mpeg 4 !), la diffusion HD a été possible, et pour un coût de diffusion nul, avec une qualité incroyable aujourd’hui… superbe !