Nous assistons depuis 2005 à une accélération des techniques, du marketing et donc de la guerre des outils de montage…
Durant une dizaine d’années Avid a su maintenir une tranquille hégémonie avec un système de montage virtuel, solide et apprécié, mais très couteux, et aux progrès techniques lents et parfois jamais parvenus jusqu’à nous…
Avec la montée en puissance des ordinateurs personnels, plus aucune carte ni unité de stockage ne sont plus nécessaires, et la démocratisation de ces outils a pu commencer, puisque la réduction du prix est compensée par le nombre de logiciels vendus…
Adobe avait commencé, au mauvais moment et avec un outil (Premiere) qui avait des qualités (coût, ouverture QuickTime) mais trop de défauts pour parvenir à ses fins…
De nombreux constructeurs ou éditeurs -américains principalement- ont longtemps fourbi leurs armes et proposé leur méthode, jamais satisfaisante pour la clientèle, toujours partielle : Media 100, DPS, Canopus, Matrox, Pinnacle, Radius, Lightworks, et j’en passe des dizaines !
Avec l’arrivée du DV, puis de Final Cut Pro, c’est la révolution tant attendue qui a surgi. C’était en novembre 1999…
En un an, l’industrie audiovisuelle américaine -flexible et hyperconcurrentielle- a compris et digéré Final Cut Pro : la plupart des producteurs et indépendants sont passés à cette solution plus moderne, plus puissante, et évidemment plus économique !
Il aura fallu 2004 pour que je cesse de devoir démontrer à des professionnels français l’intérêt supérieur de Final Cut Pro. Depuis 2004, les Français s’y mettent, avec délice ou à contre-coeur, par ce scepticisme dogmatique, symptomatique d’un certain corporatisme, d’un certain immobilisme bien français. Mais là n’est pas le sujet de mon « message ».
Pendant que les français s’y mettent, les observateurs avisés constatent que les industriels accélérent leurs cycles de développement, baissent leurs prix, augmentent magiquement le nombre de fonctions haut de gamme tant attendues, fusionnent, se font racheter,…
Avid ne vend quasiment pas de logiciels d’entrée de gamme, là où depuis toujours Avid prétend lancer une grande démocratisation… mais démocratisation ne rime pas avec médiocrité ou pauvreté des moyens !
Avid a racheté Pinnacle – cela absorbera probablement le logiciel concurrentiel (LIQUID) tout en recrachant ses innovations. Cette absorption reflète encore le fantasme d’un marché grand-public – à voir, mais j’y crois peu. Par contre, Avid stabilise davantage sa position d’industriel hardware, avec des solutions coûteuses et pour l’instant difficilement « démocratisables », donc peu concurrentielles (serveurs, réseaux, machines online,…). Donc Avid mise sur la non-concurrence.
Sony a racheté Vegas – dans une énième tentative d’accrocher le montage virtuel (souvenez-vous des épisodes précédents!!)… Logiciel usine à gaz, Vegas sera peut-être le dernier à bien fonctionner avec les caméras HDV Sony !
L’industriel japonais Canopus, longtemps challenger des solutions PC en DV avec Premiere, s’est fait racheté par Thomson, au moment où ses cartes sont les seules à très bien gérer le HDV en mode « semi natif »…
Adobe continue sa tranquille avancée dans le monde institutionnel – comprenez : le monde de l’entreprise, des services de communication interne… Premiere continue de s’améliorer, inexorablement, de mieux en mieux. Et c’est un peu l’éditeur de logiciel de montage le plus fréquenté, le plus vendu, et en même temps le plus solitaire (il ne fabrique aucune carte ni station, il accompagne à peine les fabricants de cartes), et encore plus paradoxal, la vidéo est marginale dans l’activité d’Adobe, avec moins de 10% de son CA (on dit 5%)… ce qui le rend sûrement nettement plus indépendant des tourments de cette industrie qui fait rêver mais qui a la dent dure.
Les concurrents disparaissent…
Où est l’avenir des solutions de montage ? plus vite, moins cher… La HD, en temps réel. Les 5 prochaines années vont voir la HD obnubiler la profession tout entière. Et les fabricants/éditeurs de solutions de montage virtuel qui croyaient détenir ainsi la nouvelle poule aux oeufs d’or (stockage et architecture onéreux, « HD oblige »), vont vite voir leurs rêves d’empires tranquilles s’effondrer, car les PC et les Macs de base vont rattraper et dépasser les exigences de la HD plus vite que cela n’a eu lieu en DV/SD.
A part Adobe, dont l’intérêt pour la vidéo est marginal, les autres acteurs sont finalement tous des industriels obsédés par une stratégie de statu quo industriel : Avid veut se sauver en vendant des grosses machines; Thomson vise à intervenir sur un marché qui s’effrite (et dont il veut à la fois stopper l’effritement (pour ses autres activités) et profiter des fruits de cette démocratisation !); Apple développe ou achète des logiciels à prix d’or qu’il revend à prix coûtant… pour asseoir sa propre industrie en péril (les macs)…
Et l’autre guerre qui ne se voit pas de loin, mais se vit ponctuellement, humainement, est celle des destins humains : des centaines voire milliers de monteurs Avid en France, qui progressivement sont trop nombreux, et concurrencés par des milliers / dizaines de milliers de « monteurs nouveaux-nés » sur Final Cut Pro, avec la concurrence des tarifs..
Bonne année, et accrochons-nous, non pas à nos principes, mais à nos souris !