Révolution ou abandon ?
Les points noirs, d’abord
En onze années de vie, et d’évolutions, jusqu’à la version 7, le logiciel de montage Final Cut Pro a su s’imposer dans la plupart des domaines comme solution de montage professionnelle. Economique, ergonomique et technique : Apple a su créer une première révolution fin 1999 avec une solution de montage peu onéreuse, plus moderne, très intuitive visuellement, une gestion native de nombreux formats HD, ainsi que de puissantes fonctions d’animation, trucages, étalonnage. Et ceci dans un éco-système entièrement géré par Apple -logiciel, ordinateurs et système (OS X), induisant des performances élevées. Apple est fier aujourd’hui d’annoncer que Final Cut Pro (ancienne version) serait utilisé légalement par environ deux millions d’utilisateurs, et détiendrait une position dominante sur les marchés professionnels, avec environ 50% de parts, face à Avid et Premiere Pro, principaux rivaux.
Malgré ce succès ou grâce à lui, Apple n’a pas hésité à ré-écrire un nouveau logiciel de montage, fondamentalement différent (qu’il faudra donc apprendre de zéro) et en coupant les ponts avec le passé, prenant de grands risques : aucune compatibilité avec les projets antérieurs, une ergonomie nouvelle et donc « étrange », et de nombreuses impasses pour l’instant, qui amènent de nombreux utilisateurs à crier au scandale.
Vendu directement sur l’AppStore (depuis son propre Mac, sur internet), Final Cut Pro X n’est toujours pas proposé pour les revendeurs ou les licences en volume, près d’un mois après son lancement, générant une colère compréhensible de la part des revendeurs Apple, qui se sentent exclus et méprisés : mis carrément dans l’impossibilité de continuer à vendre aussi bien l’ancienne version (7), qui a disparu, que la nouvelle (indisponible pour eux), en préparant des stations de montage… sans le logiciel !
Cette version X ne gère pas de sorties vidéo directes via des cartes, ni de capture sur cassette, à part une capture firewire (DV, HDV) très basique. On ne trouve ni EDL, ni OMF, ni XML… une impasse qui le rend incompatible avec des workflows professionnels (envoyer en mixage ou en étalonnage). L’unique import possible (projets iMovie), ferait même penser à un abandon du marché broadcast en faveur d’un repositionnement sur le marché vidéo amateur ou « web », avec ce logiciel vendu désormais à un prix très bas… 239 Euros TTC !
En attendant de voir des éventuelles mises à jour qui permettent à Final Cut Pro X de ne plus bloquer certains worfklows, on saisit que Apple a sorti prématurément ce nouveau logiciel, dans une logique de calendrier assez curieuse. Car, en coulisses, des salariés d’Apple chuchotent et promettent que de nombreuses mises à jour vont arriver, très vite (courant août, puis septembre/octobre), pour apporter des réponses à ces lacunes criantes : Final Cut Pro X gèrerait bientôt les imports/exports en XML, les sorties vidéo, le multicam; des cartes vidéo seraient mises à jour, et de nouveaux matériels feraient leur apparition, sans compter le développement de plug ins très utiles.
Ce train de mises à jour sera le véritable examen de professionnalisme de Final Cut Pro X, car pour le reste, ce logiciel est effectivement une belle révolution, assez extraordinaire, en puissance, en ergonomie et en fonctions modernes.
La puissance.
Ré-écrit à partir de zéro, Final Cut Pro X est un logiciel moderne, exploitant nativement les éléments d’OS X, avec des performances jamais vues. Final Cut Pro n’est plus limité par les vieilles contraintes (notamment QuickTime) et gère les processeurs, tous leurs coeurs, en 64 bits, toute la mémoire vive disponible, ainsi que les éléments modernes du système. Final Cut Pro X fait tous ses calculs en tâche de fond, de manière automatique, gère des résolutions 4K, la synchro couleur ColorSync à travers les workflows, et a un rendu en virgule flottante, gage de précision et finesse visuelle. Bien sûr, tout n’est pas encore prêt : les calculs en tâche de fond sont lancés automatiquementŠ mais seulement quand on ne fait rien. Les codecs disponibles sont restreints, et pas vraiment 4K (pas de codecs Red), proposant surtout des codecs « légers » (H264, AVCHD). Mais Final Cut Pro X a désormais des structures saines et puissantes.
On a ainsi des processus d’analyse en tâche de fond, à l’import ou a posteriori : analyses de la couleur, problèmes audio, stabilité, nombre de personnages par plan – des analyses certes parfois rebutantes par leur lenteur.
Final Cut Pro X a été pensé pour travailler toujours plus vite. Lors des processus d’imports de médias (cartes P2, AVCHD, XDCam, Reflex…), le monteur sélectionne les médias à importer, sans devoir attendre leur transfert, travaillant immédiatement le montage, tandis qu’en tâche de fond Final Cut Pro X gère tout invisiblement. De même pour les conversions de formats à optimiser (AVHCD ou H264 en ProRes) ou à générer en proxies (monter en qualité offline).
L’ergonomie, orientée base de données
Construit pour gérer des projets complexes et des milliers de médias, Final Cut Pro X a été écrit selon une logique de base de données, où les médias sont identifiés de manière unique et toujours reconnus (jamais perdus…?), où les projets sont systématiquement sauvegardés à chaque action (il n’y a plus de sauvegarde manuelle.) On trouve enfin un confort et une sécurité que les monteurs apprécient des systèmes Avid, même si les utilisateurs de l’ancien Final Cut Pro regretteront une certaine opacité et le manque de réglages manuels. A son lancement, Final Cut Pro X montre tous les médias online et tous les projets créés sur la machine de travail.
Les concepts ont été changés
les rushes ou médias, contenus dans des chutiers s’appellent des Evénements; le terme Projet désigne un montage (une timeline), les rushes peuvent ou doivent être organisés dans des chûtiers « modernes » qui se nomment des Collections. Tout cela permet de gérer des rushes très nombreux, les identifier avec des mots clés ou des méta-données (données de tournage : dates, formats, géolocalisation…), pour les indexer, les classer, de manière puissante (multicritères) et rapide (automatique, ou non).
Il faut un peu de temps pour saisir la logique lorsqu’on veut monter quelques plans, faire un film assez simple. Il en faut plus pour maîtriser de manière reflexe la gestion et le classement de ces mots clés, métadonnées, collections intelligentesŠ mais après une bonne adaptation, on dispose d’un super chûtier intelligent, aussi bien adapté à du travail répétitif sur des émissions de flux ou des reportages TV (pour accélérer les processus de classement et donc de montage), qu’à des montages longs et subtils (documentaires complexes, fictions), où ces concepts de classements autoriseront un dérushage fin et efficace. On regrettera seulement le vocabulaire, discutable en anglais, et médiocrement traduit en français. Mais certes, Final Cut Pro X est livré en français.
Final Cut Pro X fait disparaître la double vision des deux fenêtres de visualisation de type source/montageŠ espérons que cela soit temporaire, car cette simplification est une régression très critiquable. Lors du dérushage, les plans sont visualisés dans la même fenêtre que celle du montage – les plans sont affichables sous différentes formes, en listes, en rubans d’imagesŠ plus besoin de cliquer : en passant la souris, la vidéo défile. On peut indexer, marquer, classer nos rushes, avec beaucoup de possibilités, de même que les outils et méthodes de montage (1, 2, 3 points, split audioŠ) existent toujours, ainsi que les raccourcis clavier, inchangés à 90%, paramétrables et sauvegardables. Le classement de rushes est fin et souple : on peut sélectionner la zone d’un plan, lui associer des mots clés, le découper en sous plans, et très rapidement. Une fonction de recherche est proposée sur les mêmes principes de gestion de mots clés, de métadonnées – donc encore un puissant outil, simple, raffiné, complexe, sur mesure.
La timeline
La timeline se simplifie de prime abord, en abandonnant le concept de pistes et en instaurant un magnétisme général et automatique. Ce magnétisme permet d’éviter des désynchros d’éléments audio/vidéo, lorsqu’on bouge un plan au sein d’un montage. Si on veut insérer un élément au milieu de la timeline, celle-ci repoussera immédiatement les éléments néessaires pour cette insertion, sans obliger comme avant à faire plusieurs opérations (sélectionner les plans à bouger, changer d’outil, les déplacer, changer d’outil, placer le plan,…, enlever l’espace vide en tropŠ). Et ceci pour toute opération de montage où les limites physiques des plans (en collision) auraient constitué un obstacle et un ralentissement. Simplissime et « intelligente », cette timeline n’est pas simpliste : on dispose d’outils pour retrouver une maîtrise manuelle pour certains cas, on peut bien entendu disposer autant de couches de plans audio/vidéos que nécessaire. La seule limite est l’impossibilité d’attribuer certaines « pistes » pour des versions spécifiques à regrouper ou délimiter: par exemple des versions VF, VI, des titres particuliers, car la timeline s’occupe un peu trop de tout mélanger. Pour gérer des montages sophistiqués en terme d’audio (de nombreux docs, de nombreuses productions TV l’exigent), il faudra qu’Apple daigne créer ce qu’il avait cru pouvoir détruire : les pistes…
La fenêtre de trim (raccords) disparaît au profit d’un trim intégré (l' »éditeur de précision en ligne ») qui se déploit par double clic sur la timeline, avec des raccourcis, une précision visuellle, mais un confort moindre qu’une vraie fenêtre autonomeŠ Un peu regrettable. On trouve aussi des outils manuels de raccord, directement sur la timeline, ou en les choisissant.
Les « auditions » sont une innovation incontestable de Final Cut Pro X : ce sont des versions de montage, à proposer à un client, à visionner, à choisir. D’un clic, on passe d’une version à l’autre, la timeline s’adapte (en remplaçant les plans à changer), en quelques secondes. C’est margique, pratique, encore une fois très rapide.
Des options personnalisent la timeline, et indiquent que Final Cut Pro X n’est pas un iMovie Pro, mais un outil de montage professionnel dont le développement a été pensé durant plusieurs années, et avec un soin du détail extrême.
On apprécie la fonction de synchro automatique entre une image et un son, typiquement lors de prise de vues audio/vidéo séparées – une fonction génialeŠ à débugger de toute urgence pour l’Europe !
Toujours plus de trucages !
Au delà du montage, voulu plus rapide, Final Cut Pro X élève toujours plus la place des effets. Les transitions, les effets, les titres sont fournis en nombre, prévisualisables en temps réel. On a enfin un titreur digne de ce nom, personnalisable, souple. Les animations ont été simplifiées, mais moins facilement animables.
Des technologies ont été intégrées en provenance des logiciels « absorbés » par Apple : un retiming et sa qualité de calcul qui viennent de Shake; des outils d’étalonnage empruntés à Color. Le retiming est simple, un peu trop, mais très pratique.
Côté étalonnage, Final Cut Pro X propose trois manières. Un bouton pour faire une balance des blancs auto. Un outil de correspondance, impressionnant, pour donner à un plan l’aspect chromatique d’un autre, quel que ce soit ce plan référence. Enfin, un réglage colorimétrique, précis, fluide, que l’on peut doubler, tripler (comme des « secondaires »), avec masquage. Même si la qualité est un peu inférieure aux outils de Color, on apprécie l’intégration et la puissance au sein même de Final Cut, sans obliger à devoir apprendre d’autres logiciels. Un excellent outil d’incrustation fait aussi son apparition.
La gestion audio
La gestion audio a été soignée : des fondus avec différentes interpolations, une gestion visuelle et fine du surround, de nombreux effets de qualité (qui viennent de Logic et SoundTrack pro), sans compter la correction automatique proposée (suppression de bruit de fond, de bourdonnements,…), la mise à niveau automatique de plusieurs éléments audio, la bibliothèque de 1300 sons offertsŠ Par contre il manque grandement un outil de mixage temps réel, et bien sûr l’export audio multipistes (ciblées).
Côté diffusion broadcast, Final Cut Pro X propose des outils d’analyse (vecteur, oscillo,Š), et donc malheureusement pas de sortie vidéo sur cassette. Mais il est tout orienté vers le futur : diffusion HTTP en direct, partage web (Vimeo, YouTube, Facebook,Š), exports optimisés H264 pour iPad, iPhone, et des fabrications de base en BluRay et DVD de base (une seule couche).
Certes, les fabricants de cartes vidéo proposent des utilitaires de capture et sortie sur cassette, mais c’est une régression très désagréable. On espère que l’intégration prochaine (faite par les constructeurs de cartes) permettra d’accéder à ce type de fonctions directement au sein de l’interface de Final Cut Pro X.
Apple a cessé la vente de Color, SoundTrack Pro et DVD Studio Pro. Leurs utilisateurs étaient rares et donc non stratégiques pour Final Cut Pro. Final Cut Pro X concentre plus de fonctions, et un monteur aura plus de facilités à les utiliser toutes, contraitement à l’ancienne suite Studio, dont les interfaces disparates et les passerelles réservaient la suite Studio à des rares experts.
Les seuls rescapés sont Motion et Compressor. Motion en version 5 acquiert une interface comparable à Final Cut Pro X, un moteur de rendu 64 bits également puissant, et la capacité unique de fabriquer des effets, transitions, titresŠ pour Final Cut Pro : utilisables, gérables, modifiables ou non, selon les paramètres qu’on aura mis en place. Cette possibilité va beaucoup intéresser les workflows de diffusion/intégration d’habillage, comme en télévision, avec un graphiste spécialisé sur Motion qui créera des éléments pour les monteurs sous Final Cut Pro X.
Final Cut Pro X est bien une révolution, adaptée aux temps modernes : gestion des cartes, accélération des processus, ergonomie, métadonnées – qui donnent puissance et finesse, concentration d’outils et fonctions de qualité en titrage, audio, trucages, finishing…
Final Cut Pro X a été fondamentalement pensé pour réduire tous les processus qui nous ralentissaient.
Ecrit pour aller le plus vite possible (import, dérushage, montage, calculs, étalonnage,…), Final Cut Pro X a été mis en vente également un peu trop vite…
Laissons-lui quelques mois avant de le juger prématurément, tant ses structures, ses méthodes et ses fonctions sont novatrices, puissantes et modernes.
Mise à jour du 21/09/2011
Attendue ou espérée (!) depuis août, cette mise à jour Final Cut Pro X 10.0.1 arrive enfin ! Elle est gratuite et s’obtient sur l’App Store. Elle apporte 80% des réponses à l’immaturité de Final Cut Pro X :
– import et export XML, qui permettra de communiquer avec le monde extérieur : DaVinci, ProTools et bien d’autres. A priori il faudra que les logiciels « extérieurs » mettent à jour leur import XML, mais c’est à vérifier. Par ailleurs, plus rien n’empêche des développeurs « tiers » de plug ins de concevoir une passerelle pour rendre compatibles FCP X et ses « versions » antérieures, 7, 6…
– l’export audio d’une « piste » spécifique est désormais possible grâce à l’étiquetage possible (tags) d’éléments audio ou titres,… et leur export ciblé. C’est moins rapide que de glisser un élément audio sur une piste qu’on voit… mais c’est plus puissant. A tester…
– compatibilité avec environnement réseau de type SAN
– et de nombreuses améliorations : moteur de rendu plus rapide encore, mode plein écran sous Lion, timecode réglable d’un projet, des nouveaux raccourcis clavier, des bugs corrigés…
A noter : Motion et Compressor reçoivent aussi leur mise à jour gratuite. Il est recommandé de finir ses projets sous FCP X avant d’installer cette mise à jour, qui peut entraîner des problèmes (!). Enfin le kit de développement SDK est enfin publié, ce qui permettra aux éditeurs, constructeurs de produire les modules nécessaires qui manquent…
Enfin, une version démo gratuite est désormais proposée en téléchargement : on pourra essayer Final Cut Pro X durant 1 mois, de manière complètement fonctionnelle. Un mois, le temps qu’on devienne « addict » à FCP X…?
Mise à jour du 31/01/2012
Attendue et promise, cette mise à jour finit de répondre à l’immaturité de Final Cut Pro X, qui était sorti un peu trop tôt et avec quelques préjugés bizarres dans sa conception…
Final Cut Pro X.0.3 enfin propose du montage multicam puissant, avec un maximum de 64 plans simultanés et la synchro automatique des plans (selon leur son, des marqueurs ou leur TC).
La fonction Angle Viewer permet de visualiser et monter tout en temps réel, avec des formats différents d’images, et avec lecture simultanée des sources possibles et de la source choisie (double fenêtre !).
La fonction Angle Editor est destinée aux réglages précis.
Final Cut Pro X améliore son outil d’incrustation couleur, aussi puissant que celui de Motion 5, avec des contrôles supplémentaires qui le rendent désormais plus puissant, fin et rapide : choix de la couleur, réglage de la découpe, ajustement de la couleur de « contamination ».
Final Cut Pro X améliore sa manière de reconnecter des fichiers, disparus ou à changer, ce qui permettra surtout de nouveau pouvoir travailler avec Motion, en interaction fluide, ce qui était devenu impossible.
Final Cut Pro X.0.3 importe des fichiers Photoshop multicalques, en versions aplatie et multicalques.
Le XML passe en version 1.1, autorisant un dialogue amélioré avec DaVinci, incluant les corrections couleur de premier niveau, ainsi des infos audio (points clés) et d’effets (opacité, échelle…).
L’application 7toX permet de passer des projets Final Cut Pro 7 vers Final Cut Pro X, pour un prix enfin modique (7,99 Dollars US).
Enfin, la sortie vidéo depuis une carte ou un boîtier externe, est enfin proposée : nos bonnes vieilles cartes PCIe (Aja, BlackMagic,…) et les boîtiers en Thunderbolt permettent désormais de voir son montage sur un moniteur externe ! Ce cruel manque est enfin comblé, même si cette fonction est livrée en version beta, donc encore en chantier. Et même si la sortie en firewire n’existe donc pas. BlackMagic et Aja proposent en téléchargement gratuit des drivers en version Beta de leurs cartes pour Final Cut Pro X.0.3. A l’usage, on regrette qu’il faille régler le format de sortie à l’extérieur de FCP, quitter FCP puis le relancer pour rafraîchir la sortie vidéo. Mais cela fonctionne bien !
Cette mise à jour gratuite est disponible immédiatement en téléchargement. En savoir plus chez Apple sur FCP X : cliquer ici.
Rêvons qu’une seconde fenêtre source/montage apparaisse prochainement et une véritable fenêtre pour gérer les raccords…
Motion et Compressor sont également mis à jour. Au menu pour Compressor : plus de performances et de stabilité, et des petits ajustements de presets. Pour Motion : stabilité et performances aussi, dont la gestion du texte plus réactive, des raccourcis pour l’animation et les courbes, une amélioration de l’interface de l’éditeur d’images clés,…