Les amateurs de Final Cut Pro X, ou les lecteurs des sites YakYakYak (VF) ou fcp.co (USA) ont sûrement déjà vu passer cet article très intéressant sur Final Cut Pro X qui a été utilisé pour la couverture du Tour de France par la chaîne ITV4 en juillet 2014…
Pour les curieux non anglophones, nous vous proposons un résumé en VF… car c’est un témoignage précis et intéressant sur l’infrastructure, le workflow et les usages de Final Cut Pro X, pour une production exigeante et intense en Full HD, 7j/7…
4 salles de montage étaient équipées des nouveaux Mac Pro, avec un stockage partagé de 70 To.
L’objectif était de produire un contenu quotidien durant 21 jours, tous les soirs à 19h.
Peter Wiggins, chef monteur, explique les origines de leur choix de FCP X et leur travail en équipe :
Peter Wiggins, donc mais aussi James Venner, producteur, Tony Davies, assistant producteur, et Sylvain Swimer, de la société de postproduction TimelineTV.
En 2005 ils décidèrent de travailler avec Final Cut Pro 4.5, mais avec serveur Grass Valley, cassettes,…
Ils continuèrent esnuite avec Final Cut Pro 7, puis décidèrent de passer à Final Cut Pro X. De nombreux interlocuteurs leur dirent à chaque fois que cela ne marcherait pas.
Après plusieurs années à travailler avec Final Cut Pro 7, ils étaient passés en HD, subissaient certains plantages, et furent relativement choqués en 2011 par l’arrivée de Final Cut Pro X, devant le manque de certaines fonctions : apparemment pas de support de SAN (stockage partagé) ni donc de travail collaboratif. L’interface de Final Cut Pro X entièrement repensée par Apple impliquait une migration ardue pour leurs monteurs. En attendant une éventuelle amélioration de FCP X, ils continuèrent avec FCP 7 et ses limites.
Un jour ils durent relever un défi : encoder et diffuser des vidéos de type broadcast sur une page YouTube, en 10 minutes maxi. La possibilité de prélever un flux EVS, le monter et le diffuser sur YouTube, directement depuis la timeline de Final Cut Pro X, leur fit réaliser ce défi, bien que EVS n’arrivait pas à produire des QuickTime de manière très propre, les obligeant à travailler avec des petites durées. Mais cela fonctionna et leur mis le pied à l’étrier de Final Cut Pro X, très efficace et très moderne.
Avec la sortie de la mise à jour majeure Final Cut Pro X.1 ils pensèrent que la plupart des obstacles avaient été retirés. Ils ne pouvaient pas continuer à rester avec Final Cut Pro 7, immuable…
Ils hésitaient entre 3 possibilités :
- Avid. Très utilisé dans le broadcast. Adoré ou détesté. Peter Wiggins n’aimait pas Avid, cause de soucis. Pas de gestion de formats au delà de la HD, pas pensé pour les 5 prochaines années…
- Adobe Premiere. Ressemblant à FCP 7, facile à apprendre, bonne intégration avec EVS et After Effects. Il faisait le travail, mais personne ne l’aimait vraiment. Doté d’un code ancien et lourd, certes en 64 bits, assez rapide, assez stable. Passer à Premiere Pro semblait être une étape intermédiaire, passagère…
- Final Cut Pro X. Il restait donc cet « iMovie Pro », comme certains le surnommaient… Ils décidèrent de l’utiliser sur un autre projet, du montage « solitaire », qui leur apprit la logique de l’interface et qui leur apprit qu’ils l’appréciaient. Final Cut Pro X dispose également d’un superbe éco-système, avec de nombreux plugs in développés. Pourraient-ils l’utiliser dans un environnement de travail collaboratif ?
Utiliser Final Cut Pro X impliquait un apprentissage délicat et lent, mais aussi l’abandon d’EVS du workflow d’enregistrement. EVS ne donnait pas l’impression d’avoir envie de rendre compatibles leurs fichiers. Par contre, passer à FCP X présentait l’avantage d’une nouveauté, dynamisante, et la possibilité de ré-évaluer leurs méthodes, leur workflow, d’injecter une nouvelle créativité. Peter Wiggins avait envie d’un choix qui grandirait avec eux, durant les années prochaines. Il ne voulait d’un système leur permettant de faire pareil, comme autrefois…
Le problème principal fut les connexions.
Les anciens Mac Pro étaient reliés en fibre au XSAN. Ils avaient évidemment équippé leurs 4 salles de montage des tout nouveaux Mac Pro, ultra rapides, mais dotés uniquement de Thunderbolt 2.
Chaque salle de montage était composée de :
- 1 Mac Pro
- 2 écrans Apple 27p
- 1 Promise SanLink2 (TB vers Fibre)
- 1 raid R6 Promise Pegasus2
- 1 Aja IO 4K
Contrairement à FCP 7 qui utilisait une carte Kona3 et qui avait des problèmes de flottement/désynchro image/son de + ou – 2 images par rapport à l’EVS, Final Cut Pro X était fluide et fiable avec le Aja IO 4K: aucune désynchro, mais surtout une réactivité immédiate, en trim, en lecture image par image…
Les Promise SanLink 2 ont également fonctionné comme attendu. La performance était maximale en branchant 2 cables fibre optique.
Le stockage était partagé sur le XSan, mais chaque station avait aussi son propre Raid Thunderbolt 2 en local. Cela permettait de sécuriser, et travailler séparément certains projets et médias.
Il fallait ensuite redéfinir le workflow….
L’équipe en France réunissait 15 personnes : 1 camion OB, 2 caméras mobiles pour les interviews, et un studio à trois caméras. Il y avait des envois par satellite d’images, des voix off, musiques, images, éléments,… et une équipe avec Viz et After Effects. Les habillages étaient faits en ProRes 422, voire ProRes 4444. Ils ne pouvaient donc pas utiliser EVS pour enregistrer les transmissions satellite dans le stockage réseau Xsan.
Pas d’intégration EVS dans les composants QuickTime AVFoundation… les flux EVS ne marchaient pas avec QuickLook. Travailler sans timecode, c’est comme couper du beurre avec une batte de cricket. Et EVS semblait peu intéressé par la ré-écriture de leur flux en conformité avec les spécifications QuickTime.
MovieRecorder (Softron) existait déjà et était un élément alternatif parfaitement capable dans la chapine d’enregistrement : MovieRecorder fournit le moyen complet pour faire l’ingest du projet entier. Il supporte à 100% AVFoundation et permet d’enregistrer un fichier en croissance constante, montable immédiatement dans FCP X, durant son enregistrement live, accessible en quelques secondes de délai.
Un nouveau Mac Pro était capable d’enregistrer plusieurs flux simultanés de vidéo en temps réel, tandis qu’un second Mac Pro travaillait en parallèle comme enregistreur de sauvegarde.
Ils utilisèrent le Aja IO 4K pour capturer les prises de vues diffusées en direct, dans le XSan, en ProRes 444. Améliorant énormément les workflows habituels, MovieRecorder permit de monter durant l’ingest, autorisant des points de montage 5 secondes après la capture, donnant une maîtrise des images en montage dans un quasi temps réel. Ils remercient Pierre Chevalier de Softron de leur avoir fourni un support excellent, mais aussi d’avoir ajouté des petites choses qui les ont les bien aidés.
Les voix off, enregistrées en France, étaient envoyés par serveur FTP. L’application Compressor, très simple, permettait des conversions rapides, grâce aux presets et destinations favorites.
Final Cut Pro X a été capable de reprendre à peu près tout le workflow longtemps utilisé avec EVS sur les autres Tours de France. L’export QuickTime en ProRes 422 natif est immédiatement prélevé par le serveur EVS XTAccess et envoyé directement au EVS XT pour une lecture immédiate.
Dans le passé, Final Cut Pro 7 induisit des difficultés lors d’exports d’images entrelacées, avec des drops, les obligeant à re-calculer, re-rendre les images, faisant perdre du temps.
Avec FCP X, ce souci n’existe plus. Même en utilisant des sources progressives dans une timeline entrelacée, les médias exports exportés en 1080i sont calculés très rapidement, en tâche de fond, et on a peine l’impression qu’un rendu est fait.
Dans la mise en place d’un workflow collaboratif, ils ont développé le concept de la Master Library.
La Master Library contient tous les éléments d’archive du Tour et une structure de dossier pour aider au montage.
Les 4 salles de montage utilisent cette Master Library comme « espace de travail » de la journée.
A la fin de la journée de montage, cette bibliothèque renonnée est archivée (après avoir effacé les rendus/caches), et stockée sur le San.
La Master Library est alors mise à jour, pour inclure les nouveaux enregistrements, et le lendemain matin le processus recommence. Cela a permis de garder une trace du travail de montage. Tous les médias étaient correctement libellés, taggés, pour aider aux recherches.
En utilisant la Master Library, l’import de nouveaux éléments était facile, tout ayant été combiné, chaque jour. Par rapport à FCP 7, c’était un avantage incroyable, de pouvoir accéder, lire, monter immédiatement les éléments tournés.
Toutes les bibliothèques archivées étaient également stockées dans le San, et taggés/libellées dans un événement. Ils avaient plus de 150 heures des tours précédents, ainsi que les 3 dernières années en multiflux, permettant un accès complet aux Tours 2011, 2012 et 2013.
Cette master library des médias archivés s’ouvrait en deux secondes sur un nouveau Mac Pro. Ce fut sûrement la chose qui fit écarquiller les yeux des visiteurs de leurs salles de montage : tout online, visualisable, et seulement deux seocndes pour ouvrir cette bibliothèque.
Après quelques jours pour s’habituer, le montage devient de plus en plus rapide.
La timeline magnétique prouva sa fiabilité, promettant de ne pas perdre la synchro ou laisser une zone ou un clip à la fin de la timeline. L’inverse était vrai : insérer un élément dans une zone très dense de la timeline s’effectuait en quelques secondes, avec le décalage parfait de tous les éléments nécessaires du montage.
Peter Wiggins finit même par jouer à monter sans arrêter la lecture de la timeline. La timeline était très temps réel, permettant des modifications de texte, de son en temps réel, sans arrêts.
Au bout de 3 semaines, il réussit à déterminer la meilleure méthode de trim, ou la plus rapide, rallonger l’audio, le conserver replié, utiliser des plans connectés ou un élément secondaire,…
Il oublia aussi de lancer les rendus, puisque le rendu en tâche de fond démarrait tout seul au bout de 10 secondes.
Peter Wiggins a souvent comparé FCP X à une voiture de course de F1, surtout avec leur travail sur le Tour de France. Leurs salles de montage FCP X étaient exceptionnellement rapides, mais il était nécessaire de bien connaître leur fonctionnement pour les amener à leur optimum.
Ainsi ils constatèrent un jour le ralentissement de FCP X, jusqu’au point de gêner le montage. Après de nombreux tests, ils comprirent que des processus en tâche de fond s’accumulaient parfois, par exemple lors de l’import d’un clip de 6h, FCP X analysait le son pour fabriquer une représentation. On peut annuler ces processus dans la fenêtre de processus en tâche de fond.
Et puis, il vaut mieux ne pas importer un clip trop long en ayant l’Inspecteur ouvert, sinon FCP X génèrera une représentation audio, et ralentira le travail.
On peut également vérifier que l’affichage des ondes des éléments est désactivé pour la fenêtre des éléments.
FCP X est très critiqué pour le travail collaboratif et nous avons souvent dû partagé des éléments coupés entre salles de montage, et trouver un moyen pour y arriver sans dupliquer les médias.
L’import/export XML montra des limites, avec des soucis en cas de variations de vitesse, du montage de musiques ou d’éléments secondaires. Le XML n’est manifestement un moyen fiable pour organiser des imports-exports internes dans FCP X.
Ils utilisèrent une Library de « transfert », avec le projet précis, l’unique élément utile. C’était compressé et stocké dans le San, et dans un dossier explicite pour les autres monteurs.
Rapidement, FCP X sembla manquer d’un fondu audio dédié au son uniquement. Finalement, en utilisant les poignées de niveau sur le son, cela fut plus facile et simple. Il faudrait sûrement pouvoir ajouter un raccourci pour générer ces poignées à la volée, pour accélérer ce travail.
L’automation audio sur les éléments sonores serait un plus. Rien ne vaut la réponse oreille/cerveau/main en terme de vitesse et de précision.
Par ailleurs, les rushes de course arrivaient avec des pistes audio séparées, d’une part le commentaire propre (1 et 2) et d’autre part des effets propres (3 et 4). Il fallait appliquer l’excellent plug in AUDynamics Processor pour compresser les niveaux du commentaire pour la diffusion broadcast. Il préfère ce compresseur à celui proposé par Final Cut Pro X, car on peut dessiner la courbe de compression en temps réel.
Concernant les plug ins… Parfois des interviews arrivaient de France des craquements qui les rendaient inutilisables. RX3 (iZotope) a permis de réparer la plupart des problèmes avec ces filtres pour retirer craquements et clics. Il vaut 350 USD, mais c’est nettement moins cher que de devoir faire des nouvelles prises… Leur ingénieur du son suggère également le plug in R128.
Ils ont aussi utilisé XEffects Toolkit (49 USD), pour générer des comptes à rebours, et beaucoup d’éléments visuels de manière répétitive. Le sous-titreur inclus dans ce pack de 53 plug ins a été utilisé sur chaque épisode.
Si les monteurs et techniciens ont apprécié Final Cut Pro X, qu’en a-t-il été des gens de la production ?
Tony Davies témoigne de la guerre des anciens et des « jeunes ». Il s’estime chanceux d’avoir évité les 3 premiers jours de la postproduction.
Evidemment, intégrer un nouveau système de montage dans une production live quotidienne n’a pas été une tasse de thé…
La problématique n’a pas été de savoir si Final Cut Pro X était capable de monter images et son, car toutes les solutions de montage actuelles en sont évidemment capables.
Final Cut Pro X a un grand nombre de fonctionnalités de production qu’ils ont beaucoup aimées.
Le système de capture nous fait gagner ou périr… Si nous ne pouvons pas trouver les bons rushes de notre flux live ou des archives, nous ne pouvons pas non plus monter…
Final Cut Pro X leur a apporté un plus considérable: tout en continuant à visualiser les logs et les TC, nous pouvions visualiser les flux comme des filmstrips. Cela n’a l’air de rien, mais finalement localiser une image précise en observant les représentations nous permettait de trouver les prises nécessaires.
Les interviews du Tour 2014 ont énormément nécessité de sous-titrages, vu la mainmise par un Italien et beaucoup de Français…
Le plug in de FX Factory a fait le travail facilement, excepté la partie besogneuse à devoir énoncer les sous-titres comme un enfant de 10 ans pour repérer les erreurs…
Le montage avec Final Cut Pro X a été très rapide, les transferts vers EVS probablement plus rapides et beaucoup moins stressant qu’auparavant. FCP X est fonctionnel et n’a ajouté aucun stress, aucun cheveu blanc…
Il est certain que cet outil de production va progressivement s’améliorer. Peter Wiggins attend le jour où le système de log sera incorporé de manière invisible aux fonctions de base de données de FCP X, et lorsque les fonctions d’import mimeront les options du Finder plutôt que de consister en une seule colonne. Mais cela arrivera.
En résumé, ils ont choisi un nouveau système de montage et ce système s’améliore d’année en année.
Comme monteur, il a eu de nouveau du plaisir. Hardware et software travaillaient de concert et lui ont permis de se concentrer sur ce que les spectateurs voient à l’écran. Plutôt de chercher à trouver un moyen rapide pour obtenir un effet compliqué, ils ont réalisé cet effet compliqué et ont bien peaufiné le spectacle.
Peter Wiggins pouvait trouver immédiatement le plan demandé et non pas répondre comme d’habitude « oui, je vais le trouver »…
Si un producteur spécialisé en sport ou réalité utilisait Final Cut Pro X et voyait la facilité pour trouver un plan, le retour en arrière avec un autre système de montage semblerait maladroit et lent. Peter Wiggins et Tony faisait des paris pour trouver le premier un plan. Au moment où Tony avait trouvé le timecode, Peter avait déjà monté le plan dans la timeline. « Pouvoir combiner un système de log temps réel dans un événement « live » serait un paradis absolu. Philip Hodgetts et Pierre de Softron devraient en parler ! »
La clé du montage d’un programme de sport diffusé le même jour est de savoir ce que l’on peut faire avec le temps dont on dispose. Avec une heure de diffusion obligée, on ne peut pas repousser au lendemain la résolution d’un problème. Peu de monteurs peuvent travailler avec un tel stress. Régulièrement, ils se retrouvaient à monter la 4ème partie alors que la 3ème partie était en diffusion… Un jour, ils finissaient la 4ème partie tandis que la diffusion en était au début de cette 4ème partie ! Vous n’avez qu’une chance pour y arriver correctement, et pour cela vous avez besoin de rapidité et de confiance dans votre système de montage.
Final Cut Pro X a fourni les deux.
Des problèmes ? oui, deux.
Le premier jour, ils eurent des soucis de rapidité de stockage SAN. FCP X étant le nouveau venu, il fut accusé. Lorsqu’un fichier était exporté vers le EVS, celui-ci plantait d’une manière si spectaculaire que leur opérateur, Ron Bradley, affirmait n’avoir jamais vu un tel crash de sa vie. Ils finirent par localiser le boîtier EVS XTAccess responsable de ce crash et des ralentissements.
Le boîtier remplacé, ils n’eurent plus jamais un problème de crash en export/diffusion.
Ils recherchent actuellement une solution alternative, techniquement supérieure (avec un Mac Pro, enregistrant les diffusions) et moins couteuse, car EVS est très couteux.
Conclusion en 10 points :
- Rapide. Rapide à l’import, rapide au montage, rapide à l’export.
- Exports rapides vers EVS, transmissions en quelques minutes… sans le moindre souci (à part la première panne matérielle).
- Dérushage visuel : permet de localiser rapidement des plans sur les filmstrips.
- Timeline magnétique : ajout et retrait de plans sans devoir bouger des blocs de plans, faire de l’espace…
- Grande rapidité de rendus : jusqu’au point d’oublier de devoir calculer…
- Possibilité de disposer de tous les médias d’un Tour complet, toutes les archives et Tours antérieurs, dans la Bibliothèque et tout est instantanément accessible, lisible, « skimmable »
- Constructions complexes de graphismes et de calques : sans souci, avec la puissance de FCP X
- Variations de vitesse plus utilisables, facilement gérables.
- La master library des archives de tous les Tours s’ouvre en 2 secondes.
- Quel plaisir !