Vous les avez certainement déjà croisés sans vous en douter.. Les projets transmédia semblent avoir un grand avenir dans le monde de demain!
Jean-Yves Le Moine et Catherine Cuenca, deux personnalités du contenu transmédia, nous aident à mieux comprendre ce nouvel univers, les méthodes et techniques de travail employées pour mener à bien un projet transmédia.
Catherine Cuenca est auteure transmédia. » Tombée en amour d’internet et des réseaux sociaux, je m’interroge, je veille, je m’enchante — et je me révolte aussi, parfois — sur les futurs fondements de notre société en train de se réinventer. J’aime partager questionnements et connaissances.
Je guette les rapports libre et droits d’auteur avec curiosité, soucieuse d’assurer des revenus décents aux auteurs et producteurs indépendants, sans porter atteinte ni aux libertés fondamentales du net ni à la création.
L’aspect collaboratif et participatif du web soulève notamment des questions sur le rapport au travail et aux indicateurs de richesse qui me titillent le cerveau. »
Comme beaucoup de passionnés, elle met ses connaissances au service des autres et cumulent les titres.
- Fondatrice de 3 Singes Production, une association spécialisée dans le développement de projets transmédia, créée par des auteurs pour porter leurs projets jusqu’aux petits et grands écrans.
- Scénariste d’animation pour TF1, France3, France5, M6 et cabsat,
- Intervenante sur l’écriture de scénario, l’animation, le transmédia,
- Elue en 2012 au conseil d’administration de la SACD, où elle représente les auteurs d’oeuvres interactives.
« Transmédia » est un adjectif qui s’applique à quelque chose.
Pour faire un projet transmédia, il faut déployer un univers sur plusieurs médias et articuler cet univers sur chacun de ces éléments média comme chaque pièce d’un puzzle.
L’œuvre transmédia est, certes, un objet hybride mais il ne faut pas oublier qu’elle reste une oeuvre avant tout.
C’est l’Auteur qui en porte le concept et l’envie, le scénario, en s’incarnant dans des perso, etc… donc tout reste à faire !
On se pose toujours les questions « classiques »: De quoi je parle? Quelle est mon intention artistique? En quoi est ce projet est singulier et personnel?
Le Storytelling est très important!
Il faut faire très attention aux points d’entrée, entre autres, pour garder la cohérence de l’univers très fort. Il ne faut pas dispatcher, rester modeste et choisir les bons médias.
Le projet se fait en 3 phases, 1/concept 2/développement 3/production> financement.
Dés que le concept est écrit, il faut rechercher des aides, des fonds. Développer des images est très important également pour pouvoir budgétiser.
Au niveau des Auteurs, il existe les CNC-SSCD, la bourse Orange, l’Association Beaumarchais pour l’aide à l’écriture.
Il en existe également pour les fonds fictions 2.0 et le spectacle vivant. Ainsi que pour le webdocumentaire, les Fonds fictions, la SCAM documentaire.. mais tout ça ne veut plus dire grand chose car beaucoup de genre sont mélangés.
Mais être auteur ne suffit pas, il faut également connaitre les usages de la technologie.
Désormais on y ajoute les questions liées au facteur média. Il faut comprendre ce que chaque type de média peut apporter à mon histoire.
Comment j’organise les différents medias? Comment chaque média va me servir? Quelle est la nature propre du média?
Par exemple, choisir de travailler sur mobile est synonyme d’utilisation brève, courte, avec des images claires car l’écran est petit.
Si je choisis d’exploiter le potentiel d’une tablette, j’exclue d’office les pays d’Afrique car il n’y pas de tablettes là-bas.
C’est pourquoi, dans toute oeuvre, il est indispensable de connaitre sa cible pour savoir comment opérer.
La visibilité sur le net devait amener à l’abondance mais au final, si on ne sait pas où l’on va, c’est le chaos absolu!
Qui va vivre cette expérience transmédia? Qu’est-ce qu’il va y vivre? Comment relier la personne à l’histoire selon l’endroit (le média) par lequel il y entre?
Il faut donc prendre en compte 3 dimensions:
- Espace= les dérivées de la vie réelle, c’est à dire la TV, le Web, les tablettes, etc…
- Temps= comme l’oeuvre est un puzzle réparti sur différents médias, on n’entre pas forcément dedans au début, au bon moment dans l’histoire.
- Mise en scène= Comment toucher les gens là où ils sont?
Sans oublier de prendre en compte l’intention artistique dans le dispositif et l’expérience utilisateur.
Aujourd’hui, le contenu transmédia se résume souvent, pour les gens, à un site internet interactif du style webdocumentaire.
Le but de l’interactivité est de donner envie à la personne de participer et de continuer. La relation au publique est vraiment intéressante, il faut écrire la navigation, savoir doser l’ interactivité.
En ce moment, l’outil transmédia est tout jeune et ne présente pas beaucoup d’innovations.
Pourtant c’est un outil d’experimentation aux formes très ouvertes! Tout est à faire, à l’auteur de trouver la forme qui va intéresser son public.
Le travail de l’Auteur justement est de s’impliquer en se projetant soi-même dedans.
Il faut être prêt à y passer des années pour rien, posséder une détermination sans faille et être convaincu soi-même.
D’un point de vue technique, il n’y a pas de solution particulière, le projet entier nécessite tous les corps de métier.
En webdocumentaire, on trouve Klynt, 3Wdoc, qui servent souvent aux journalistes à faire de la presse enrichie par le biais de l’interactivité.
Mais du fait de la diversité des médias, de la diversité de la convention collective, on trouve dans ces projets, des gens de l’oeuvre, des droits d’auteur.., des gens du web -webdesigners, des gens des jeux vidéos- programmeurs, scénaristes, complètement international.., des graphistes, des acteurs du spectacle vivant, etc…C’est pourquoi il est tellement important de préserver la diversité et de ne pas utiliser cet outil que dans le registre économique.
Il faut connaitre les techniques du monde de l’audiovisuel, réfléchir à la temporalité.
Le web est une plateforme qui évolue très rapidement, il faut être capable de s’adapter.
Il faut prendre en compte le temps lié à la programmation d’une application mais également le temps de travail préparatoire des comédiens, si l’on mêle le spectacle vivant, et les frais de location de salle pour les répétitions, etc…
L’organisation est très complexe et très lourde, que ce soit en préparation ou juste en partie artisitique pendant la fabrication du planning.
Et puis comment payer tout le monde et la couche supérieure?
Les résultats peuvent être tellement riches et divers. On peut voir des fictions sur une cigarette ludique (dispositif de caméra face à soi) ou encore de l’éducation autour du Streetart !
« La parabole des Tuileries » de David Castello-Lopes et Léonard Cohen, explique que la culture n’est pas le marché naturel. La culture s’apprend. Avoir soif par exemple, est un besoin naturel et plus on boit, moins on a soif. Pour la culture, c’est différent!
La culture n’est pas un besoin naturel mais plus on va lire, écouter de la musique, voir des oeuvres, plus on va apprendre à apprécier cette culture et en avoir besoin.
Le contenu transmédia est une chance de création si on arrive à y mettre les finances! Mais il est important de garder à l’esprit « Qu’est-ce ce que je manipule? », « Suis-je d’accord avec ce que je suis en train de faire? » Surtout lorsqu’il s’agit de manipuler la consommation de masses.
Jean-Yves Le Moine est consultant en stratégie, spécialisé dans les expériences d’usages liées aux technologies digitales.
Il est expert sur l’expérience et l’engagement de l’utilisateur dans son écosystème connecté, fixe et nomade, multi-écrans. Et ainsi, la valeur économique de ces nouveaux usages.
Grâce à son passé de réalisateur, producteur et post-producteur, il connait très bien l’ensemble de la chaîne de valeur de production digitale.
Jean-Yves met aujourd’hui sa créativité au service du conseil dans les domaines de l’innovation, de la prospective technologique et du design d’expérience. Il est expert pour la Commission Européenne sur les questions de multiplateformes audiovisuelles, de media sociaux et connectés (social TV et TV connectée), de big data, de moteurs de recherche et de recommandation, ainsi qu’en web sémantique.
Il est à l’origine de l’initiative Transmedia Lab d’Orange. Il est aussi intervenu pour Sony, TF1, France Télévision, Vivendi …
L’outil transmédia existe de puis un moment!
Orson Welles l’avait utilisé en 1938 ! La Guerre des Mondes est un épisode d’anthologie de la radio américaine. Réalisé et commenté par Orson Welles, cet épisode était une adaptation du roman de HG Wells « La guerre des mondes« .
Les deux premiers tiers de l’émission radio de 60 minutes ont été présentés comme une série de bulletins qui suggéraient à de nombreux auditeurs qu’une invasion réelle d’aliens était actuellement en cours.
L’annonce a été soutenue, sans pauses publicitaires, ajoutant ainsi à la qualité de réalisme du programme. Cet épisode a aidé à la consécration d’Orson Welles.
Disney est également une aventure transmédia, mêlant l’histoire des long-métrages animés, des séries télévisées, des parc à thème représentant l’univers merveilleux, des jouets où les enfants déclinent leurs propres histoires selon leur imagination,etc…
JJ Abrahams, sur LOST, avait ouvert un forum pour que les scénaristes lisent les retours des fans, et s’inspirent de leurs idées. C’est ainsi que les flashbacks ont été intégrés à la série!
Il s’agissait de susciter l’intérêt, de gratifier les gens en reprenant leurs idées, en reprenant les fondements de la « culture participative », culture populaire énoncés par Jenkins – théoricien sur la culture participative.
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Arte s’est également engagée dans une stratégie « 100% bimédia« . « Nous n’avons plus de service multimédia. Nous n’avons plus d’activité numérique séparée des autres. Nous avons tout fusionné« , a déclaré Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte. Ce sont quelques exemples, mais il y a en a d’autres.
Il s’agit de raconter une histoire sur plusieurs médias. Chaque média est un supplément, chaque histoire est complémentaire. Ces histoires aident à créer un méta-univers où l’univers n’est pas dans l’écriture séquentielle.
Pour sa réalisation technique, on utilise différents logiciels en fonction des technologies employées, il n’y a pas de règles prédéfinies.
Les coûts sont onéreux, car cet outil combine les coûts de partie de production « classique » pour programmes TV, web, appli,… et la partie technologie.
Depuis 2008, le multiasking – fait de faire plusieurs choses à la fois- est la cible de l’Orange Valley.
Comment créer du contenu sur tous les écrans? Web, mobile, TV?
Orange a cherché à évangéliser avec le Transmedia Lab. Ils proposaient à des projets, de l’argent, en plus d’un accompagnement dans l’écriture, le coaching et le transmédia.
Pour travailler avec l’outil transmédia, il faut apprendre à réfléchir en transversalité. Personne t’apprend la lecture horizontale,verticale,…Les twits en direct à la télé en sont un exemple.
Cela nécessite une certaine concentration et de l’exercice pour s’y habituer.
Le but d’un webdocumentaire, par exemple, est d’utiliser contenu, technologie et usage.
Il faut absolument prendre en compte les usages des gens car c’est par ce biais que l’histoire existera. Comment se servir de la technologie? Comment se servir du fonctionnement des gens?
Il faut travailler de manière à ce que le spectateur puisse comprendre l’histoire, qu’importe le média par lequel il entrera dans cette histoire.
Tous ces médias sont les pièces d’un unique puzzle, alors il faut toujours réfléchir sur l’avant et l’après..
Il est important de développer un univers sémantique fort, de manière à entrainer le spectateur à vouloir explorer cet univers. Pour cela il faut développer la Back Story, comme dans les films.
On peut utiliser l’aspect réel et irréel d’internet pour développer la cohérence d’équipes entre réalisateurs, gens du jeu, auteurs,… Les réseaux sociaux peuvent servir à obtenir des feedbacks.
Dans certaines salles aux Etats-Unis, lors de la projection de certains films, les spectateurs peuvent déjà interagir avec leur iPad pour obtenir des éléments coupés en bonus.
Ce phénomène à un grand avenir.
La social TV existe déjà, avec les twits pendant l’émission et la consultation de compléments de programme sur internet. Mais ça va encore se déployer. On va réfléchir avant, pendant et après.
Les manières d’interagir vont de plus en plus s’imprimer dans le réel.
L’iWatch arrive en fin d’année. Cette montre permet de gérer ton pouls 24/24. Dans 10/15 ans, le contenu fera intégralement partie de la vie.
Les éléments transmédia seront un bout de vie et la vie une continuité de fragments.
Il y a une expression qui dit « Machine are Us », au lieu d’humaniser les machines, nous allons devenir les machines.
Tout va dépendre des nouvelles technologies mais peut-être que dans 10 ans, ce sont des implants qui feront vivre ton prochain film. Des implants qui stimuleront des sensations individuelles, des sensations de groupe…
Les lieux seront en 3D, les gens en 3D, le film sera auteuré – vous serez à la place du héros et vous pourrez intégrer à votre univers virtuel quelqu’un que vous avez scanné dans l’ascenseur, dans la rue,…
Avec l’avancée de la reproduction de nos gimmicks, de nos gestuelles, comme on peut le voir dans les jeux vidéos, on pourra envoyer les gens à l’intérieur du PC.
L’interaction sur l’histoire passera directement par la personnalisation.Ca sera la nouvelle forme d’entertainement et de transmédia.
Les neuro-cogniticiens en 2008-2010, travaillaient sur les ondes transmises par la pensée pour avancer dans un monde virtuel avancé.
Ils cherchent à décrypter comment l’humain perçoit le réel et comment le reproduire dans la fiction..
Bientôt, ce sera pour sortir son film en mono format qu’il faudra être vraiment exceptionnel.
Vidéo Design Formation propose une formation complète au web documentaire.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire les liens suivants:
JENKINS: théoricien sur la culture participative.
Faris Yakob Côté Pub, schéma 2005.
Transmedia 360.
SCOOP IT