Vincent Maraval est l’homme par qui le scandale des acteurs français trop payés a éclaté en décembre 2012.
S’encombrer avec la langue de bois, ce n’est pas vraiment son dada.
Cette année encore, Maraval et sa société Wild Bunch sont au festival de Cannes, passage obligé pour celui qui promeut le cinéma d’auteur par la vente de films, le cofinancement de productions, et la distribution à l’international.
« Passage obligé » parce que le festival ne serait plus ce qu’il était, les grosses sociétés de vente internationales ont soit réduit les coûts, soit fermé.
Du côté des français, ce n’est pas franchement reluisant non plus vu l’absence de rentabilité du cinéma français ce dernier semestre.
Pour Vincent Maraval, le cinéma français va droit dans le mur et il nous explique, sans tabous, quelles en sont les raisons.
Les chaînes de télévision, pourtant obligées par la loi de conserver la diversité audiovisuelle, ne souhaiteraient plus financer les films qu’elles considèrent comme périmés lors de leur arrivée à l’antenne.
Aussi imposent-elles des acteurs payés des prix fous, dont les seuls cachets recouvrent les sommes imposées par leur cahier des charges.
Ainsi, plus le cachet des acteurs est élevé, plus le budget diminue, moins de films à produire pour les chaînes.
Les effets pervers du préfinancement sont également mis en avant. Aujourd’hui, nous sommes plus fiers de la qualité des financements obtenus pour un film plutôt que de la qualité de son contenu.
Et puis, la constatation de l’impuissance face au piratage. Le serpent se mord la queue; des films que l’on retrouve dans leur intégralité sur des sites tels que Youtube par exemple, demander au site hébergeur de retirer leur contenu en ligne, puis le retrouver à nouveau la semaine suivante au même endroit.
Maraval s’indigne de ceux qui soutiennent dans le piratage un accès gratuit à la culture. Dans ce cas, pourquoi ne pas autoriser le vol de nourriture et de médicaments? Il pleure la fermeture du distributeur Alta film vendredi dernier en Espagne, et regrette l’arrêt de la distribution de MK2.
Dénonciation également des cinémas UGC, Gaumont, Pathé,… qui ne penseraient qu’à écouler leurs stocks de friandises, beaucoup plus rentables que la vente de billets de films.
« En tant que distributeur, je suis taxé pour qu’ils passent à la projection numérique et je paye aussi le passage des bandes-annonces qui feront aller les spectateurs dans leurs salles. Et eux, ils vendent des bonbons. »
Les salles de cinéma seraient également responsables du maintien de la chronologie des médias imposant des délais d’attente entre chaque type d’exploitation, de la sortie cinéma à la sortie VOD.
Briser cette chronologie et accéder à la VOD en simultané permettrait, selon Maraval, de profiter de l’envie du spectateur de voir un film. Alors qu’actuellement, le temps d’attente fait que ce dernier est déjà passé à autre chose.
Maraval renvoit à l’autre sujet en pourparler à Bruxelles, l’exception culturelle.
Selon lui, il est indéfendable de vouloir sortir la culture des règles du marché lorsque l’on choisit de délocaliser la fabrication d’une production pour réduire ses coûts et que l’on surpaye les acteurs.
Quelles solutions?
« Les producteurs souhaitant bénéficier du système de financement public doivent s’engager à plafonner les hauts salaires et à ne pas délocaliser leurs tournages. Avec la nouvelle convention collective, qui impose à tous un barème de salaires élevé, délocaliser sera peut-être la seule possibilité de faire des films à petit budget. On pourrait aussi faire comme en Espagne, où les chaînes ne préachètent pas de droits de diffusion mais sont uniquement coproductrices. Les télés seraient davantage intéressées au succès en salles, et les films ne seraient plus formatés en vue de leur diffusion à la télé. »
Pour Les Salauds, en sélection officielle à Cannes, Vincent Lindon et la réalisatrice Claire Denis ont accepté d’être payés le cachet minimum.
Idem pour La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche, également sélectionné à Cannes.
Gérard Depardieu, au coeur du débat il y a encore quelques mois à cause de son exil fiscal, a même accepté de jouer bénévolement pour le film d’Abel Ferrara sur l’affaire DSK. Aucune chaîne française n’a souhaité engager de financement dans ce film par ailleurs.. Bizarre… Bizarre ?