Si le rendu image des reflex numériques utilisés comme caméra a de quoi séduire, il n’en va pas de même sur le plan du son. Pour résumer, on se retrouve un peu dans la même situation que lorsque les professionnels ont voulu utiliser les petites caméras mini DV, mais en pire ! Bien sûr, les choses s’améliorent avec la version III du Canon 5D, et plus récemment le 7D Mark II, les Samsung NX1 et Nikon D750, qui possèdent au moins une prise casque. Signalons également la venue d’outils d’un genre nouveau comme les Eos C 300 ou C100 qui annonce un futur plus clément. En attendant, la majorité des appareils en service n’a franchement pas été conçu pour effectuer des prises de son dans une optique professionnelle. Faut-il pour autant les écarter ? Voici quelques informations qui devraient vous aider à prendre la bonne décision en fonction de vos projets de tournage.
Enregistrer le son directement sur le Reflex numérique
Le premier reflex (sans jeu de mots) serait de tenter d’enregistreur le son directement sur l’appareil photo. Hélas, ce qui paraît naturel à priori se révèle en pratique un parcours semé d’embuches. Voici une liste non exhaustive des défauts concernant l’audio que l’on rencontre sur la plupart des appareils photos numériques :
- Entrée sur minijack rendant difficile l’utilisation de micros pro
- Circuit audio de qualité médiocre
- Ecoute au casque impossible pendant l’enregistrement vidéo
- Niveau automatique non débrayable
- Visualisation des niveaux pendant l’enregistrement indisponible
Vous avouerez que tout ça n’est pas très engageant, mais courage, car il existe malgré tout quelques solutions. La première épreuve qui tient souvent du parcours du combattant consiste à retrouver l’affichage du peak mètre, un réglage manuel du niveau et un monitoring audio pendant le tournage. Pour certains modèles Canon (5D Mark II, 550D, 60D, 600D, 500D,et tout récemment 7D) les hackers de Magic Lantern proposent en libre accès sur leur site, un firmware alternatif qui se charge depuis la carte CF et débride certaines de ces fonctions.
Sur cet exemple, le Firmware Magic Lantern permet entre autre de débrider certaines fonctions audio comme le niveau manuel, l’affichage des niveau audio ou l’écoute pendant l’enregistrement vidéo.
Attention, il faut impérativement stocker ce firmware sur chaque carte mémoire SD ou CF pour pouvoir charger le charger avant chaque utilisation. Voilà un début de bonne nouvelle, mais pour pouvoir ensuite y brancher un casque, il faut souvent passer par un câble adaptateur spécifique. En fonction des modèles, il s’agit souvent d’un câble jack 3 points vers jack stéréo 3.5 mm ou plus rarement d’un câble USB vers jack 3,5 mm comme c’est le cas sur les Canon 550D et 60D. Le fabricant américain Sescom s’est fait une spécialité de ce genre de mouton à cinq pattes que l’on peut trouver en Europe, notamment chez Markertek.
L’adaptateur USB vers mini-jack de Sescom conçu pour Canon 550 ou 60D
A ce stade, on se retrouve plus ou moins comme sur un camescope grand-public avec une connectique en mini-Jack et une unique entrée stéréo dépourvue d’alimentation 48V, ce qui réduit le choix et la qualité des microphones que l’on peut y connecter. S’il s’agit simplement de capter des sons d’ambiances en mono ou en stéréo, les gammes VidéoMic chez Rode (en version pro ou standard, mono ou stéréo) ou ATR chez Audio-Technica répondront à cet usage. Autre exemple chez Tascam cette fois, le TM- 2X est un micro stéréo X-Y conçu pour la prise de son d’ambiances voire de musique et de spectacle spécifiquement conçu pour les reflex. A ce titre, il est orientable, suspendu et livré avec une fourrure antivent. Pour effectuer des interviews, il existe des micros « mini canon » comme le Sennheiser MKE 400 ou encore le SmartMyk qui est étonnamment léger. Mais comme il est difficile de produire des micros canon qui sonnent correctement en dessous de 400 Euros, et qui de toute façon isole assez mal le sujet dans un environnement bruyant, le rendu risque d’être décevant et il vaut mieux dans ce cas, débrancher le micro d’ambiance et utiliser un micro cravate HF. Pour cette utilisation, les Sennheiser Evolution dont Video-Design est équipé sont bien adaptés grâce à leur connectique minijack native, leur petite taille et leur prix abordable. L’idéal est de substituer la capsule d’origine par un modèle Tram ou Sanken, comme nous le faisons chez Vidéo-Design. A l’achat, l’ensemble coutera environ l’équivalent d’un bon objectif mais c’est sans doute le minimum. Dernière chose, le réglage des niveaux, plus délicat que sur un camescope, demande un certain doigté car s’il faut veiller à ne pas sous moduler sous peine d’avoir du souffle et du bruit,il faut également éviter de s’aventurer trop au delà des – 12 dB sur le peakmètre, car la saturation vient rapidement. Bref, c’est tout un art !
Ajouter un préampli externe
Pour bénéficier d’une sortie casque, d’un contrôle de niveau, d’une preamplification symétrique sur XLR avec alimentation 48V, certains utilisateurs se tournent vers des préamplis compacts qui se fixent généralement sous l’appareil. L’idéal est de pouvoir tester la qualité et la maniabilité avant de s’équiper car même s’il s’agit d’un marché de niche, il en existe de nombreux modèles de toute provenance et à tous les prix et le risque de tomber sur un produit-gadget est réel. Sur ce créneau, on trouve des spécialistes comme l’américain JuicedLink, le canadien BeachTek, ou plus près de nous le loueur français DCA qui propose son boîtier Telemak à la location comme à la vente.
Le préampli Telemak de DCA peut se fixer sur la griffe porte flash ou en dessous du reflex. Il est utilisé ici avec un module de Time-Code Ambient.
Autre loueur spécialisé dans l’audio, Tapages présentait lors du dernier Satis l’AFI2, un petit préampli pour DSLR fabriqué par Kortwich. Notons que pour minimiser les artefacts du niveau automatique non débrayable sur certains appareils comme le 7D (une mise à jour récente permet de régler ce point), quelques modèles proposent une option « AGC Disable » qui envoie tout simplement un signal constant sur le deuxième canal. Ce dernier est parfois audible, réduisant du coup les possibilités d’enregistrement à une seule piste. Chez BeachTek, il s’agit d’une fréquence de 20 kHz qu’il faudra ensuite filtrer en postproduction… Toutes ces options sont à mon sens un peu « tirées par les cheveux » et sans doute vaut-il mieux essayer de régler la question en changeant le firmware… A ce stade, la configuration peut prendre du poids et de l’embonpoint et la question d’utiliser un rig pour fixer l’appareil et ses accessoires peut se poser. Souhaitant proposer une solution légère, le jeune fabricant australien Mymyk distribué depuis peu en France par Pilote Films propose Smartlynk, un préampli miniature à fixer sur la prise flash de l’appareil et sur lequel peut venir s’enficher le micro SmartMyk déjà évoqué plus haut. L’utilisateur dispose alors de deux entrées minijack, d’une sortie à connecter vers le DSLR et d’une autre sur laquelle on peut brancher un iPhone qui devient enregistreur d’appoint grâce à MyMyk Camera Audio, une App disponible sur l’AppStore. Pourquoi pas, mais nous n’avons pas encore pu tester la qualité… Une vidéo promo (en Anglais) permet de mieux comprendre les possibilités de cet ensemble. Last but not least, et toujours dans l’idée de préserver la légèreté du réflex, Beachtek propose le MCC-2, un adaptateur passif qui se fixe sur la griffe porte-flash. Pas d’alim fantôme 48V ou de prise XLR, ni de pile, ni de gain électronique, le but ici n’est pas d’offrir le même confort que sur une caméra vidéo mais de permettre la fixation de une ou deux sources d’entrée (au hasard un récepteur HF et un micro mono) de les assigner à l’entrée de son choix et d’en atténuer le niveau. On garde ainsi un dispositif léger où l’on peut clipper jusqu’à trois accessoires. Par contre, le choix se limite à des dispositifs auto-alimentés et sur prise minijack type récepteur HF sennheiser évolution EW100 G3 ou des micros spécifiques comme les modèles de chez Rode, Sennheiser ou Audio-Technica cités plus haut. Ce petit BeachTek fait partie des accessoires que vous pourrez essayer lors de nos formations Reflex.
Le BeachTek mcc-2 fait partie des dispositifs retenus par Video-Design pour adapter HF et microphones sur un Reflex. On apprécie sa légèreté et sa simplicité de mise en oeuvre.
Utiliser un enregistreur séparé
Fixé directement sur la griffe porte accessoire du DSLR, sur un berceau spécifique, ou encore sur un rig pour ceux qui en sont équipés, les enregistreurs de poche sont souvent mis à contribution par les utilisateurs de réflex numérique. Généralement doté d’un couple de micro pour les ambiance stéréo ou l’enregistrement de musique, ils peuvent également fournir deux préamplis avec alimentation fantôme 48V, des fiches XLR pour connecter deux micros additionnels. Outre l’enregistrement sur carte mémoire SD ou CF sous forme de fichier Wave ou Mp3, il offre souvent la possibilité de ré-injecter leur sortie vers l’entrée audio du DSLR pour enregistrer un son témoin ou définitif selon les cas.
(© www.ifxproductions.com)
Le Canon 7D est ici associé à l’enregistreur Zoom H4n fixé sur un Rig RedRock micro : A chaque prise, il faut donc penser à démarrer les deux machines.
Sur ce créneau, le Zoom H4n est incontestablement le plus utilisé, même si des modèles plus récents comme le Tascam DR 40 ou l‘Olympus LS 100 voire le Zoom H6 (6 canaux !) peuvent lui être opposés. Dans ce cas, le tournage est alourdi puisqu’il faut penser pour chaque prise à démarrer deux machines au lieu d’une et à clapper. Par contre en postproduction, l’absence de Time-Code est aujourd’hui compensée par des solutions alternatives qui viennent alléger le travail de synchro image/son. En rapprochant le son témoin sur le DSLR et le son noble sur l’enregistreur, des procédés logiciels permettent en effet de faire coïncider les deux fichiers automatiquement grâce à une analyse de la forme d’onde. La fameuse application PluralEyes de Singular Software, resynchronise ainsi tous les fichiers audio et vidéo placés sur des pistes distinctes et donne le choix de remplacer le son témoin par l’audio définitif dans une nouvelle séquence XML. De leurs côtés, Adobe Premiere Pro (« commande Fusionner les éléments ») et FCP (depuis la version 10, commande « Synchroniser les plans ») sont capables de synchroniser automatiquement un clip vidéo avec un fichier son, générant au passage un nouveau clip contenant les deux pistes. Pratique mais à renouveler pour chaque clip… Un peu à la croisée des chemin, le Fostex DC-R302 est un mixeur 3 voies doublé d’un enregistreur 2 canaux sur carte SD. Suffisamment compact, il est conçu pour se fixer sous l’appareil photo. Doté d’une sortie minijack à niveau micro, il permet d’envoyer un son déjà préamplifié sur les deux pistes du DSLR et d’enregistrer séparément un fichier bi-piste sur la carte SD que l’on pourra synchroniser en postproduction. Cerise sur le gâteau, l’appui sur la touche Rec du Fostex peut déclencher l’enregistrement vidéo d’un Canon 5D Mark II via infra-rouge et en fait une machine réellement optimisée pour cet usage. Concurrent direct du Fostex, Tascam est arrivé un peu après les autres avec le DR-60D, un préampli-enregitreur 4 pistes (2 entrées XLR avec 48V, une entrée stéréo sur minijack) intéressant. Pour moins de 250 Euros, la qualité audio est bonne (plus de gain que sur la plupart des camescopes !), et on peut du coup envisager d’utiliser de nombreux micros pour faire face à toutes les situations comme par exemple utiliser un micro « sucette » dynamique pour réaliser des ITV dans un milieu très bruyant façon news sans avoir de souffle. L’ensemble est très complet, pas trop compliqué à mettre en oeuvre, mais on peut lui reprocher deux choses : il est assez épais, et se prêtera plutôt à une utilisation sur pieds, et il est gourmand en piles (3-4h d’autonomie en moyenne lors de mes tests).
Le Fostex DC-R302 : à la fois mixeur 3 voies et enregistreur 2 canaux sur carte SD. Un appui sur le bouton Rec peut déclencher l’enregistrement vidéo sur le 5D.
Mélanger son et image sur un enregistreur vidéo externe
L’idée ici est de récupérer le signal vidéo via la sortie HDMI du reflex numérique pour ensuite externaliser le codage et l’enregistrement vidéo et audio sur un enregistreur indépendant qui possède ses propres interfaces audio et vidéo et dispose généralement de codecs vidéo (Pro Res, Avid DNxHD etc…) plus adaptés au montage . Du coup, la configuration devient plus encombrante mais permet de s’affranchir des limites de l’appareil photo sur le plan audio. Un fabriquant de mixettes et d’enregistreurs portables comme Sound Devices avec sa gamme Pix propose des produits dotées de deux entrées audio XLR micro/ligne avec 48V de qualité broadcast, mais il en existe d’autres. Attention, ce type de configuration n’est intéressante que sur des reflex conçus pour dés l’origine, comme les Nikon D 800 et D4 ou encore le Canon 5D MK III par exemple, mais ce n’est malheureusement pas le cas de tous les reflex. Ainsi, sur de nombreux appareils comme le Canon 5D MK II, la sortie HDMI est compressée et les informations relatives à la prise de vue (ouverture etc…) présentes sur l’afficheur LCD se retrouvent automatiquement sur la sortie HDMI. Là encore, chaque appareil est un cas particulier…
Confier le son à des spécialistes
Quoi de plus naturel pour accompagner la belle image produite par un grand capteur qu’un son de bonne qualité où les effets de profondeurs de champs pourront, suivant les désirs du réalisateur, être appuyés par des plans sonores réalisé à la perche ou au contraire, contrecarrés par la précision apportée par l’utilisation de plusieurs micros cravates ? Dans ce cas, la présence d’un ingénieur du son s’impose, mais il faut évidemment prévoir le budget qui va avec et réfléchir au workflow de postproduction. La plupart du temps, l’ingénieur du son enregistre le son séparément sur un enregistreur stéréo ou multipiste, produisant ainsi ses propres fichiers audio qui seront ensuite re-synchronisés au montage, comme sur un tournage de fiction. Pour plus de confort et de sureté au montage, un mix peut être envoyé en HF sur le DSLR afin que les rushes images contiennent un son témoin. Ensuite, en fonction des habitudes, si le montage s’effectue sur Media Composer (qui sait référencer temporellement les fichiers audio à partir d’un LTC via l’affectation d’un TC auxiliaire), un Time-Code audio LTC peut être envoyé par l’enregistreur son sur l’une des pistes du reflex afin d’effectuer la synchro en faisant co-incider les Time-Codes LTC avec celui des fichiers son. Les utilisateurs de Final Cut < 10 se tournent quand à eux généralement vers Plural Eyes pour synchroniser le son sur l’ensemble des clips. D’une manière générale, effectuer un clap quand c’est possible reste une pratique « sage »…